Cette pièce figure en fragments successifs dans L’effondrement du temps, publié aux Éditions Le Grand Souffle par le collectif de L’imp(a)nsable. On aurait pu l’y retrouver comme, après un naufrage, les fragments épars d’une des œuvres de l’humanité qui traduisit le mieux l’épreuve tragique de notre espèce disparue.

 

Elle est ici restituée dans son intégralité pour en permettre la lisibilité d’ensemble, suivie d’un geste méditatif nouveau sur la tragédie humaine, intitulé : Monstration, Œdipe le sauveur meurtrier des autres et de soi malgré lui.

 

Traduire Œdipe, tel que vibre cette tragédie dans l’entente de Hölderlin, s’imposa comme l’accès le plus tendu à l’énigme tragique de notre condition humaine. Tragique, notre condition l’est parce qu’elle est celle de l’écart entre les deux extrémités de la pensée : humain/divin (ou : mortel/immortel).

 

J’ai constamment veillé à ce que cette traduction soit pour le théâtre, mais en restant au plus proche de la phrase hölderlinienne, dans sa diction insolite. On lira donc, en français aussi, une langue étrange.

Cette dissonance correspond à l’esprit d’Œdipe et à la façon, précisément décisive, dont Hölderlin garda dans sa langue la faille d’un monde, qu’il médita dans ses propres poèmes comme « le retrait du divin ».

Mais elle doit demeurer aussi, aujourd’hui, au sein d’un autre déplacement du regard, parce que cette faille même, dont l’impact dans la pensée n’est peut-être plus ni reconnaissable ni mesurable, menace toujours plus profondément l’édifice du savoir humain.

 

Œdipe serait alors, non plus seulement la figure qui mon(s)tre à l’Homme sa tragédie, mais indique, dans l’aporie directement vue et éprouvée de cette tragédie, la faillite de la pensée elle-même…

 

« Mais où est le péril, croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin, Patmos).

 

 

 

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